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Le changement de mentalité vis-à-vis de la consommation de l’eau en Ouzbékistan

Par Timur Dadabaev, UNESCO

L’Ouzbékistan a hérité son éthique de la consommation d’eau de l’Union Soviétique dont la politique environnementale traitait l’eau comme une ressource inépuisable et disponible à souhait. Cet usage incontrôlé de l’eau a conduit à des catastrophes de pénurie d’eau et au désastre de la mer d’Aral.

La fin de l’Union Soviétique et la transition vers une économie de marché ont profondément transformé la société ainsi que les attitudes vis-à-vis de l’eau. Celle-ci n’étant plus mise à disposition gratuitement par l’état, est devenue un bien économique. Face à cette nouvelle contrainte, la population a intégré la nécessité de changements. Pour préserver la ressource, il faut réduire la demande et la consommation et intensifier les usages. L’abandon du système soviétique de distribution d’eau ayant produit un changement d’attitude, deux questions se posent:

  •  Quel nouveau système de distribution faut-il développer pour satisfaire les besoins socio-économiques?
  •  Comment parvenir à une utilisation rationnelle de l’eau tout en garantissant la préservation de la ressource?

La population a compris et admis la nécessité d’une prise en charge locale de la gestion de l’eau, ce qui représente un changement de mentalité drastique puisque auparavant elle considérait que le gouvernement était responsable de la gestion de l’eau et d’éventuelles pénuries.

L’état souhaitant réduire au fur et à mesure son implication dans les exploitations agricoles et dans la gestion de l’eau, a créé des Associations Locales de Consommateurs d’Eau.

Les membres des associations sont des producteurs agricoles locaux. En général, une association regroupe plusieurs communes partageant un même bassin d’irrigation.

Les associations ont cinq fonctions principales :

  • faciliter la distribution d’eau pour les membres de l’association,
  •  assurer la maintenance des réseaux de distribution et d’irrigation,
  •  réguler la consommation d’eau des membres de l’association et la rendre plus efficace,
  •  agir sur l’étique de la consommation en sensibilisant les agriculteurs au fait que le développement durable de la ressource dépend de leur propre attitude et non pas uniquement de la structure de gestion,
  •     fournir le support institutionnel grâce auquel les agriculteurs peuvent devenir plus autonomes dans leurs modes de consommation et de production.

 Les associations sont des organisations à but non lucratif. Pour cette raison, les membres paient le juste minimum pour assurer les salaires des employés et des spécialistes et la maintenance technique des réseaux.

Les rôles clés au sein de l’association sont :

  • Le président du comité de mise en œuvre représente l’Assemblée générale et s’occupe des affaires financières, du matériel technique, etc.
  •  Le chef irrigateur est responsable de la gestion de l’eau sur le territoire de l’association, il planifie et facilite l’approvisionnement des consommateurs individuels et contrôle la réalisation des contrats entre l’association et des organisations gouvernementales
  •  L’hydro-technicien est un spécialiste d’irrigation responsable des travaux dans la plantation (surveillance des niveaux d’eau dans les canaux, etc.)
  •  Le comptable.

Chaque membre reçoit un livret des redevances dans lequel sont notées les sommes payées pour le service que lui procure l’association.

De cette prise en charge de la gestion de l’eau par les communautés locales découlent plusieurs avantages :

  • Elles favorisent la participation des citoyens à la gestion de l’eau.
  •  Les anciens dans les villages qui bénéficient du respect et de l’obéissance des plus jeunes jouent un rôle important dans l’éducation à l’environnement. Ils sont bien plus influents qu’une institution de l’extérieur.
  •  Les communautés locales possèdent des connaissances et des pratiques traditionnelles et autochtones qui permettent une gestion des problèmes globaux au niveau local.

La seule difficulté de ce système local de gestion réside dans l’incapacité des petits et moyens producteurs agricoles de couvrir les coûts pour la maintenance et l’extension des réseaux d’eau. Ces associations ne parviennent pas encore à vivre sans les subventions gouvernementales. Pour soutenir ces institutions, le Ministère de la gestion des ressources en eau a initié plusieurs programmes, notamment la création de deux « Centres de Formation Régionaux des Associations de Consommateurs d’Eau » dans chaque région d’Ouzbékistan. Il s’agit d’associations modèles bien équipées, qui pourront servir d’exemple et de base d’entraînement pour les équipes d’autres associations nouvellement créées.

En conclusion l’auteur affirme qu’une action citoyenne au niveau local est bien plus efficace pour répondre aux besoins de modernisation du système de gestion de l’eau en Ouzbékistan qu’une politique de modernisation technique coûteuse.

Il met tous ses espoirs dans l’éducation et la sensibilisation environnementale au sein des communautés locales.

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