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Eau agriculture santé au Burkina Faso

Par Bruno-Denis Bonkoungou,  Représentant EAST

Une action a été menée par EAST de 1996 à 2001 sur trois quartiers de Ouagadougou (200 000 habitants) pour atteindre une couverture à 100 % des besoins élémentaires en eau et en assainissement ainsi qu’une évacuation convenable des déchets ménagers (réf 29). Cette démarche a été complétée par des actions sanitaires et d’hygiène ainsi que par la création d’espaces de jeu afin d’en tirer tous les fruits au profit de la santé.

L’opération s’est appuyée sur la participation des habitants, notamment des femmes, des instituteurs, des médecins et de l’administration (mairie, directions de la santé, de l’éducation, …).

Son coût est de 6 millions de francs (1 million de dollars), dont 8 à 10 % sont consacrés à la formation et à la sensibilisation.

L’évaluation de la demande s’est appuyée sur des réunions d’information avec le soutien d’associations locales et des Comités de Jeunes Animateurs (CJA), recrutés sur place auprès des jeunes en fin de scolarisation ou encore d’habitants sans emploi, de membres d’associations, et préalablement formés au dialogue, aux méthodes d’hygiène et au suivi des réalisations (surveillance de la qualité de l’eau et des pratiques hygiéniques, maintenance des pompes à pied, construction de latrines, évacuation et mise en dépôt des déchets, …).

La formation et la sensibilisation ont été au cœur du projet. Elles ont démontré que l’un des meilleurs investissements, et le plus rentable, était la formation à l’hygiène, grâce à des méthodes pédagogiques bien adaptées à ces populations et au suivi de leur mise en œuvre par l’intermédiaire des CJA.

Le suivi du projet a également été essentiel pour le succès de l’opération, qu’il s’agisse du bon fonctionnement des ouvrages réalisés ou de l’application par les habitants des règles d’hygiène qu’on leur a inculquées. Les CJA ont un rôle prépondérant dans ce domaine car ils sont en contact permanent et l’écoute des populations, mais aussi en liaison étroite avec les responsables du projet et avec les administrations concernées.

Cette action vient en complément de celle confiée aux responsables de l’entretien et de la maintenance, notamment des pompes ou de la mise en dépôt d’ordures, que ce soit des agents communaux ou des petites entreprises locales.

L’action éducative vient toujours en accompagnement d’une activité concrète déterminée (mise en place de latrines, d’un point d’eau, activité de collecte d’ordures, …). Les deux actions se complètent en vue de la réalisation d’un objectif précis : diminuer le taux de morbidité ou de mortalité due à la pollution de l’eau ou de l’environnement…

Le groupe bénéficiaire (association de quartier, école, dispensaire…)fait souvent la demande de l’ouvrage. Dans certains cas, il exprime aussi l’absence de l’action éducative.

L’organisme (ONG ou Organisme d’Etat) chargéde la mise en place de l’ouvrage met en évidence la nécessité impérative de joindre l’ouvrage à l’éducation pour une meilleure utilisation et un bon entretien, qui sont indispensables à l’atteinte des objectifs fixés.

L’objet de l’information, formation ou sensibilisation dépend de l’ouvrage mis en place.

Pour une action d’approvisionnement en eau potable, il s’agira dans un premier temps de mettre en évidence l’importance de l’eau, bien précieux indispensable à la vie mais aussi source de nombreuses maladies et de morts ; dans un deuxième temps, il s’agira de découvrir ensemble les causes et les conséquences des maladies d’origine hydrique.

Enfin, il s’agira de proposer des solutions simples et adaptées qui passent en général par :

–   un aménagement et un entretien régulier de la source en vue de préserver la qualité de l’eau ;

–   un transport adéquat ;

–   un stockage et une utilisation adéquats.

Les différents moyens de désinfection et de protection de l’eau sont passés en revue.

Ce travail aboutit à des engagements pris par chaque partie (bénéficiaires et ONG), avec un calendrier d’exécution, de suivi de contrôle et d’évaluation.

Pour la mise en place de latrines ou d’activités de collecte d’ordures, le cheminement général est le même : il consiste à amener le groupe bénéficiaire à découvrir lui-même les problèmes, réfléchir sur les causes et les conséquences, et proposer finalement des solutions réalistes et adaptées.

Dans un premier temps, on mettra en évidence l’importance de l’ouvrage (latrines ou collecte d’ordures), en montrant toutes les conséquences sanitaires liées à son absence ; et dans un second temps le lien entre insalubrité et maladie, cela passera par la découverte des microbes : où sont-ils ?

Enfin, il sera proposé des solutions comprenant la mise en place d’ouvrage, leur utilisation correcte et leur entretien. Là également, un calendrier de suivi / contrôle / évaluation est élaboré.

L’action éducative est motivée par le fait que :

  • l’ignorance est la principale cause de contamination des maladies dues à l’insalubrité des aliments ou du milieu ; en effet les comportements ne sont pas adaptés aux principaux facteurs de contamination, et ce en partie à cause d’un manque de sensibilisation ;
  • c’est seulement par l’éducation que l’on fait comprendre aux bénéficiaires le bien fondé des actions, de manière à obtenir leur adhésion, un bon entretien et un bon usage des ouvrages, ainsi qu’un comportement adapté aux circonstances du milieu.

L’école constitue pour cela une des principales cibles parce que le cadre est propice à l’éducation, les enfants apprennent vite et peuvent changer plus facilement de comportement.

Le public visé est constitué par :

  • des écoliers, aptes à apprendre rapidement et à changer de comportement ;
  • des femmes en charges des questions d’approvisionnement en eau des ménages, de la restauration, de l’hygiène et de l’assainissement, de l’éducation des enfants… ;
  • des associations de jeunes et de femmes ;
  • des enseignants, des professionnels de l’éducation des enfants ;
  • les structures d’encadrement (Mairie, Inspection de l’Enseignement, District et CSPS) sont concernées d’une manière ou d’une autre, en vue de leur implication dans le suivi, le contrôle, et l’évaluation

Le projet s’étend sur 2 des 5 arrondissements de la ville de Ouagadougou : l’Arrondissement de Sig-Nonghin (partie Nord-Ouest de la ville), constitué des secteurs 20 à 22 avec 45 000 habitants et de Nongr-Massom (partie Nord-Est de la ville) constitué des secteurs 13 et 23 à 27, avec 250 000 habitants.

En rappel, la ville de Ouagadougou est constituée de 30 secteurs.

La sensibilisation à Sig-Noghin est réalisée à travers :

des animations grand public (dans les classes des écoles selon un programme réalisé avec l’Inspection et dans les quartiers). Les outils de GRAAP (Groupe de Recherche et d’Appui à l’Auto-Promotion) et des projections de films sont utilisés ;

  • des formations à des groupes spécifiques (gérants de bornes-fontaines, collecteurs d’ordures, enseignants, cellules d’animation, Comités de Jeunes Animateurs…) ;
  • l’organisation de journées de salubrité ;
  • des séances de sensibilisation dans les ménages ;
  • des panneaux près des points d’eaux.

Au niveau de Nongr-Maassom, il est prévu d’ajouter à ces différents canaux la radio, le théâtre, les chants traditionnels et la télévision.

La pédagogie employée

La pédagogie utilisée (pour les animations grand public et dans les ménages) est interactive. Cette pédagogie employée dans l’approche GRAAP ou SARAR met en avant la participation du groupe.

L’animateur, grâce à un jeu de questions réponses, aide le groupe à identifier lui-même ses problèmes, à les analyser et à trouver lui-même des solutions.

Les réponses sont souvent matérialisées par des images, écriture des analphabètes.

La démarche comporte trois étapes importantes :

  • Voir (les comportements, les pratiques, les problèmes).
  • Réfléchir (sur les causes, les conséquences et les solutions possibles).
  • Agir (mettre en œuvre les solutions en vue de résoudre le problème).

Les partenaires et  leur rôle

  • Le CNESA (Centre National pour l’Education, la Santé et l’Assainissement),
  • le CREPA (Centre Régional pour l’Eau Potable et l’Assainissement),
  • le GRAAP (Groupe de Recherche et d’Appui à l’Auto-Promotion),
  • et le Service d’Hygiène, interviennent dans les activités de formations, de promotion des outils participatifs et de vulgarisation de technologies adaptées.
  • L’ONEA, le Ministère de l’Environnement et de l’Eau et des bureaux d’études privés assurent un appui technique ;
  • la Mairie et le Ministère de l’Enseignement de Base assurent un appui institutionnel et logistique, et jouent un rôle de suivi et de régulation entre les partenaires ;
  • l’ONG EAST organise l’exécution des ouvrages, l’accompagnement technique et social, les relations avec les partenaires… le suivi et l’évaluation ;
  • les partenaires communautaires participent à la gestion des ouvrages et appuient la sensibilisation des populations.

La mobilisation.

Il s’agit dans un premier temps d’informer la population et les partenaires potentiels sur les compétences de l’ONG (domaine d’intervention…) puis de recueillir les besoins exprimés. Ce travail préliminaire conduira à une étude de milieu qui permettra :

  • de mieux identifier les problèmes ;
  • de mieux connaître les demandeurs ;
  • de mieux connaître le milieu et toutes ses caractéristiques (historique, géographique, humaine…) ;
  • de mieux connaître les autres partenaires (technique, institutionnel…).

Les rencontres, les campagnes d’information à travers la radio, la télévision (…) viendront compléter la mobilisation de tous les acteurs concernés par le projet.

Pour mobiliser les simples auditeurs, nous avons joint l’utile à l’agréable (théâtres, concerts traditionnels, projection vidéo…).

Tous ceux dont les besoins exprimés ont été pris en compte dans le cadre de l’action s’ impliquent nécessairement dans des comités; il s’agit surtout d’Associations et de Groupements de femmes ou de jeunes… L’organisation en comités est suggérée dans les écoles et les villages pour l’entretien et la gestion des points d’eau et des latrines.

Il s’agit de les rencontrer, de parler de nos activités et de voir s’il y’a un terrain de collaboration possible. Il peut être aussi proposé un regroupement par domaine d’intervention (création de collectifs) pour être plus fort, mieux écouté.

Les résultats obtenus sont à situer par rapport aux objectifs du projet.

En milieu scolaire, l’un des objectifs était d’obtenir un bon niveau de connaissance sanitaire chez 75 % des écoliers. Cet objectif a été atteint à la fin du projet de Sig-Noghin. Les 128 enseignants et 3 agents de l’Inspection Primaire ont été formés aux techniques d’animation. Un mécanisme de contrôle de l’hygiène depuis l’Inspection jusqu’aux écoles a été mis en place. Les enfants ont été responsabilisés dans les travaux et le contrôle des ouvrages d’Approvisionnement en Eau Potable (AEP) et d’Assainissement. Beaucoup de parents et de cadres de l’Enseignement Primaire ont été sensibilisés aux problèmes sanitaires des écoles.

Si ces points peuvent être cités comme des acquis, il n’en demeure pas moins que l’intégration de l’éducation sanitaire au programme officiel des écoles, la pérennisation de l’éducation sanitaire, les changements de comportements, causent toujours problème.

Au niveau des écoles, il faut noter que la grande mobilité des enseignants ainsi que la participation insuffisante des enseignants et des Associations de Parents d’Elèves constituent des contraintes à l’atteinte des objectifs.

Au niveau des quartiers, les membres des associations sont bien sensibilisés aux problèmes d’hygiène et d’assainissement, certains ont été formés aux techniques d’animation mais le nombre de personnes touchées n’est pas très élevé. Neuf bornes-fontaines (parmi les 13 attribuées aux associations) sont bien gérées et entretenues.

Le travail de sensibilisation doit être permanent afin que tout le monde soit touché.

Il y a un suivi en continu des résultats, aussi bien à Sig-Noghin qu’à Nongr-Maassom. Des fiches de suivi et des fiches-bilans ont été élaborées et remises à chaque association qui doit les remplir mensuellement. Ces fiches sont retournées à EAST ou à la Mairie. Il en est de même dans les écoles.

En plus de ces relevés, un animateur de EAST effectue au moins une visite par ouvrage et par mois. A cette occasion, des conseils sont prodigués sur la gestion et le remplissage des fiches.

Dans le projet en cours à Nongr-Maassom, un suivi d’impact sanitaire est mené et consiste à suivre des indicateurs essentiels des changements dus au projet. Des rapports trimestriels sont élaborés.

Les projets à venir consistent surtout à :

  • renforcer les compétences des comités d’animation (ou cellules d’animation) mises en place ;
  • renforcer leur autonomie financière ;
  • renforcer leur capacité organisationnelle ;
  • renforcer leur insertion aux structures décentralisées de l’administration, de la santé et de l’approvisionnement en eau potable et assainissement ;
  • intégrer l’éducation sanitaire aux programmes scolaires officiels.

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