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L’action éducative des populations locales

Par Paul Cottavoz, Responsable hydrologie d’Action contre la Faim

Les populations cibles de l’action éducative sont de retour de Côte d’Ivoire (début du projet en janvier 98) où elles ont vécu pendant 3 à 7 ans lorsque la terreur régnait au Liberia. Elles retrouvent aujourd’hui leurs villages d’origines et doivent tout reconstruire (maison, défrichage des champs, nettoyage des plantations…). Dispersées dans les zones d’accueil en Côte d’Ivoire, les communautés se reconstituent petit à petit avec les retours des uns et des autres. Les gens se retrouvent, les « leaders » (anciens, nouveaux, institutionnels, traditionnels) voient leurs sociétés villageoises redémarrer.

Action Contre la Faim est l’ONG mettant en œuvre cette action éducative. Cette situation a justifié à nos yeux une démarche basée sur un contact direct avec les communautés, la création de cadres de rencontres (les séminaires), et la satisfaction de besoins de base tel que l’accès à l’eau potable.

Ses objectifs recouvrent trois principaux thèmes :

1. Volonté de renforcer le sentiment de citoyenneté par l’appropriation des réalisations du projet et par la reconstitution des tissus sociaux au sein des communautés villageoises d’une même région.
2. Définition de règles d’usage des pompes manuelles et formation pour une maintenance (technique et adaptée) des ouvrages réhabilités.
3. Développement des connaissances concernant l’importance de l’eau potable, les pratiques courantes d’hygiène domestique et corporelle, et les maladies liées à l’eau.

Les cibles des actions de formation, d’éducation ou de sensibilisation sont:

  •  Les « leaders » locaux (représentants de « districts » et chefs de clans).
  •  Les représentants des communautés villageoises.
  •  La population utilisant les pompes (recensée avec précision).

Ce témoignage porte sur 6 « districts » (159 000 personnes) répartis dans 2 « counties » (provinces). Mais la même démarche a été utilisé pour l’ensemble de nos projets hydrauliques au Liberia, qui ont concerné (et concernent encore) 7 « counties » et 18 « districts ».

Hormis quelques villes (3 villes avec un maximum de 15 000 personnes par ville), le projet a pris place en zone rurale. L’accès à ces zones nécessite plusieurs heures de trajet, effectuées soit en véhicule 4×4, en bicyclette ou à pied. Afin de rentrer en contact avec les bénéficiaires, une équipe d’animateurs a été formée à la diffusion des messages cités précédemment. Les animateurs sont issus des villages bénéficiaires et ont été choisis par les représentants traditionnels des zones concernées (par les chefs de clans).

Ils ont animé des discussions au niveau des villages afin de mobiliser la communauté pour l’organisation d’un comité. Ils ont ensuite organisé des séminaires (4 séminaires de 2 jours) réunissant plusieurs comités (10 à 15) afin de mieux définir les fonctions du comité, les règles d’usage de la pompe et afin de les sensibiliser à l’importance de l’eau potable. Ensuite, ils ont restitué ces travaux aux communautés directement dans les villages. Un règlement intérieur a été défini et rédigé par chaque comité. Des tee-shirts ont été imprimés et distribués afin de pratiquer une sensibilisation attrayante.

Le travail de communication / formation a demandé une grande partie du temps nécessaire au projet. En plus des équipes d’animateurs qui se consacraient à 100 % à ce volet, nous pouvons considérer que le reste des équipes (personnel national et expatrié) consacrait 50 % de son temps à ces activités. En terme financier, nous estimons que 25 % du montant total du budget a été consacré à ce volet.

La majorité des séances ont eu lieu par l’intermédiaire de réunions et de discussions de groupe. Ces séances ont été tenues dans des structures traditionnelles de communication au village : cases à palabres, conseil d’« elder » (le chef de famille).

Les séminaires ont permis de créer un cadre de convivialité favorisant les échanges et la communication entre les différents villages concernés par le projet. Les différents sujets ont été abordés à travers des séances d’éveil basées sur des jeux, des mises en situation, des exposés.

Le théâtre : les participants aux séminaires ont exprimé et composé des messages par l’intermédiaire de scènes théâtrales.

Les interventions ont alterné entre des ateliers théoriques et des séances pratiques sur le terrain, notamment en ce qui concerne la maintenance des pompes.

Des manifestations culturelles et sportives ont été organisées en collaboration avec les autres agences du secteur et avec les écoles. Pièces de théâtre, chants et musiques, tee-shirts, matchs de foot, courses et lunch ont été au menu de ces journées sur le thème de l’eau potable.

Une remise officielle du projet aux bénéficiaires a été effectuée à la fin des opérations. En présence des autorités locales, les comités ont exprimé leur point de vue sur le projet et ont manifesté leur enthousiasme pour l’approche utilisée. A cette occasion, leaders locaux et comités ont pu se rencontrer physiquement.

La majorité des thèmes ont été abordés directement par nos équipes. Seul le Service de la Santé (au niveau local) a été sollicité pour des interventions sur les maladies liées à l’eau.

Les écoles pour les manifestations sportives, les troupes locales pour le théâtre, la musique et les chants.

La mobilisation des partenaires au projet a pris effet à travers les principes suivants :

  •  une méthodologique claire et précise. Elle comporte 12 étapes qui sont présentées en annexe. Elle enchaîne des travaux de communication, de formation et de réalisations techniques tout en respectant l’autorité des partenaires concernés.
  •  la présentation dès le début du projet de cette méthodologie afin de permettre aux partenaires de pouvoir s’impliquer au maximum.
  •  de très nombreux contacts de terrain. Le projet est basé sur une communication de proximité s’appuyant sur des relais locaux (animateurs).

Le choix des membres du comité et les séances d’éducation à l’usage de l’eau et au rôle de la pompe sont des sujets qui ont été traités en séances plénières au niveau des villages. La tradition de la case à palabre est encore partout pratiquée dans la zone ainsi que le tambour d’appel qui réunit tous les villageois pour des séances ordinaires et exceptionnelles.

L’animateur a été choisi par le chef de clan. Il porte le message dans les villages et motive les villageois pour qu’ils nomment les représentants qui vont constituer le comité. L’adhésion des gens à cette démarche a été facile car :

  •  les populations souhaitaient l’amélioration des conditions d’alimentation en eau;
  •  l’ensemble du programme leur a été présenté dès le début et ils savaient donc vers quoi ils se dirigeaient;
  •  la tenue des séminaires représentait une forte valeur attractive pour des communautés villageoises trop souvent isolées de tout.

Au sein de la démarche, plusieurs étapes ont été fondées sur des dialogues :

La première rencontre avec les autorités locales est basée sur une enquête de groupe réalisée auprès du représentant du district et des chefs de clan qui l’entourent. Cette séance permet de prendre en compte l’analyse de la situation qu’ils présentent et d’appréhender la vision qu’ils ont des ressources et des besoins actuels. C’est aussi l’occasion de demander l’autorisation de réaliser une enquête exhaustive des points d’eau de la zone.

Par la suite, les résultats de l’enquête sont restitués au même groupe et une liste finale de sites sélectionnés est arrêtée.

La rédaction des règlements intérieurs s’est réalisée en fonction des idées et principes mis en avant par les participants des séminaires. Puisque les séminaires regroupent de 10 à 15 villages, un dialogue prend place entre les participants avant de déboucher sur une tendance commune générale, qui constituera les principes de base des règlements intérieurs.

La remise du projet aux bénéficiaires a permis d’instaurer un dialogue entre les leaders et les comités responsables des points d’eau.

A ce jour, toutes les actions de formation prévues ont été réalisées ; soit la formation de 103 comités (452 personnes formées) répartis dans 70 villes et villages regroupant 75 000 personnes.

  •  100 % des points d’eau sont gérés par un comité.
  •  100 % des comités ont un règlement intérieur et assurent la gestion de l’ouvrage.
  •  70 % des comités ont une caisse avec de l’argent provenant d’une cotisation mensuelle par famille.

Le travail de l’animateur a continué pendant une période de 6 mois à un an après la réhabilitation des ouvrages. Il a été chargé du monitoring des comités à travers le suivi des caisses d’argent des comités et la réalisation de séminaires de re-dynamisation des comités.

Une équipe réduite est maintenant constituée afin de procéder à une supervision plus légère.

L’équipe réduite va soutenir les comités qui désirent élaborer de nouveaux projets. En effet, il est possible à partir de la dynamique créée de préparer d’autres projets (sur la construction de latrines notamment) et de soutenir les comités dans leurs démarches.

Conclusion : Une bonne gestion de l’eau doit impliquer la participation de  tous les acteurs concernés

A l’échelle d’un bassin versant ou d’une rivière (voire d’une mare), la gestion de l’eau, sans se soucier de l’ensemble hydrographique, correspond en premier lieu à la maîtrise de la quantité (crues, sécheresses) et de la qualité (pollutions) de l’eau. Elle se caractérise notamment par une démarche participative des différents acteurs, ayant pour objectif de définir un équilibre entre les différentes fonctions du milieu et les usages de l’eau. La population concernée par cette démarche est relativement hétérogène. En effet :

  •  les pêcheurs et les « écologistes » s’intéressent tout particulièrement à la faune et la flore de la rivière, paramètres directement liés à la vie piscicole.
  •  les habitants des communes, eux, veulent connaître la potabilité de l’eau de la rivière, lieu de leur alimentation en eau.
  •  les touristes et les riverains souhaitent pouvoir exercer des activités de loisirs (promenades le long de la rivière, baignades, …) dans un cadre environnemental de qualité.

L’intégration de tous les acteurs dans l’élaboration des différents programmes de travaux permet une vision globale et la mise en place d’un programme d’intervention cohérent, durable et respectueux de l’écosystème rivulaire.

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