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Problèmes de santé liés à l’eau potable dans un environnement urbain défavorisé au Tchad

Par Yémadji et Wyss: Eau et Santé, Rennes 2000

La capitale du Tchad, N’Djaména, bénéficie de l’adduction d’eau potable, mais moins du quart seulement de la population est branchée sur le réseau public d’alimentation en eau potable. Devant l’incapacité des pouvoirs publics et de la commune à mettre de l’eau potable à la disposition des populations qui manquent encore de cette commodité, les habitants ont recours à des modes d’approvisionnement alternatifs et certains ont développé à l’échelle des quartiers des initiatives communautaires pour prendre en charge la gestion d’un service urbain d’approvisionnement en eau potable.

Par ailleurs une absence caractérise la question de l’eau comme dans d’autres villes d’Afrique : celle d’une quelconque prise en charge des eaux usées. Dans une perspective d’amélioration de la situation dans ces quartiers défavorisés, des recherches qualitatives ont été entreprises pour analyser les perceptions, connaissances et pratiques de la population par rapport aux problèmes de santé liés à l’eau et à l’hygiène du milieu. En général les interviewés étaient conscients des problèmes de santé liés au manque d’eau potable et aux mauvaises conditions d’hygiène. Cependant, les comportements et les pratiques quotidiennes de certains habitants contrastent avec ces connaissances et perceptions.

Dans le cadre du PSEau, des activités de recherche-action-formation (RAF) ont été initiées pour améliorer la disponibilité en eau. L’objectif des activités RAF était de contribuer à modifier les comportements des acteurs concerné par la gestion de l’eau au profit exclusif des populations concernées. La recherche constituait une opportunité pour faire émerger une forme de démocratie locale (comment ? pourquoi ? explication !) et pour renforcer la citoyenneté des groupes d’habitants des quartiers défavorisés. L’accent a été mis sur la communication dans une perspective de renforcement des capacités de négociation. La mobilisation a commencé avec la mise en place des organisations à base communautaire. L’intervention de l’ITS sur ces sites avec la méthodologie RAF a permis aux comités d’assainissement de revoir leur organisation interne ainsi que le contact avec les partenaires locaux et étrangers. Après concertation, les besoins des quartiers ont été identifiés, les sites d’installation localisés.

L’implication de la population dans la phase de préparation n’était pas partout la même. L’équipe de l’ITS-CSSI/T, UNICEF et les autres partenaires locaux concernés se sont réunis pour organiser des ateliers et des rencontres de quartier. Cela donnait l’occasion de clarifier le partage des tâches entre les différents intervenants (choix des sites d’intervention, creusement des tranchés, pose des conduites et des compteurs, ouverture des bornes, etc).

L’atténuation des discontinuités d’accès à l’eau et les surcoûts de l’eau potable pour les plus démunis a fait l’objet d’une large discussion afin d’asseoir une conscience collective nécessaire à une forte mobilisation. L’idée d’un système d’information de base communautaire (SIBC) a émergé afin de combler ce déficit de dialogue entre les acteurs de l’eau. Ce système est un cadre de concertation où l’on peut envisager que des rencontres entre les acteurs se déroulent à l’initiative de l’un d’entre eux, pouvant devenir ainsi un appui à la gestion des conflits réels ou supposés. Le SIBC peut aussi être considéré comme un lieu de formation des acteurs locaux à la gestion et des institutionnels aux représentations et au vécu des usagers.  

La méthode RAF a permis de valoriser les ressources humaines populaires. Elle a permis aux initiateurs d’accompagner les comités, de les aider à approfondir le sens de leur demande et de leurs interrogations plutôt que de se positionner en simple fournisseur. L’appui des animateurs-chercheurs s’est concentré sur le renforcement des dynamiques populaires, afin de permettre aux populations d’analyser elles-mêmes la situation pour rechercher des solutions appropriées. Pour arriver à modifier les comportements, des échanges entre les différents acteurs ont été privilégiés comme moyen d’appropriation car il est difficile de changer les personnes de l’extérieur. L’accent a été mis sur les outils d’accès facile comme la découverte du quartier par la marche, par le récit de l’histoire de l’eau et des bornes fontaines, par l’exposition des conflits.

L’approche recherche-action-formation en tant que gestion d’une dynamique de changement a donc contribué :

  • au renforcement des acteurs, notamment des acteurs populaires
  •  à la participation du plus grand nombre au processus de développement
  •  à l’acquisition et à la capitalisation des expériences
  •  à une meilleure gestion de l’environnement urbain en Afrique

Les objectifs d’une RAF ne se situent pas dans l’issue matérielle de l’intervention mais bien dans les apprentissages qu’elle permet de faire dans la manière d’agir, de s’organiser, de négocier, de penser et de raisonner. Elle améliore la réactivité des acteurs populaires par rapport à leur environnement urbain et leur aptitude à se prendre en charge.

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